c. Méthodologie et gestion des risques

 

MIL-PAT repose sur une méthodologie collaborative, inclusive et interdisciplinaire.

 

Collaborative. Le projet met en dialogue des acteurs de la recherche de statuts et d’expériences différentes, des professionnels des musées, des ingénieurs et des techniciens de la chaîne opératoire conduisant du document à sa mise en ligne potentielle, des personnes issues des communautés d’origine, mais aussi (démarche collaborative étendue) des institutions et des services en France et à l’étranger que ces collections et leur mise en ligne concernent (ministères de la Culture, instituts du patrimoine culturel, musées, ONG accréditées par l’UNESCO, etc.). Cette diversité de compétences implique la mise en œuvre de protocoles collaboratifs garantissant la symétrie des contributions (X fait autant que Y , à proportion de son engagement), leur identification (qui fait quoi), la reconnaissance de leur valeur tout à la fois individuelle et collective. De tels protocoles ont été mis en œuvre au Muséum que ce soit au sujet des collectes brésiliennes ou dans le cadre des programmes COLAM et COLL-AB. Ces méthodologies collaboratives sont au fondement de deux thèses dirigées par Nicolas Adell au sein du LISST qui contribuent à la connaissance des collections ethnographiques du Muséum : « Les collections ethnographiques au sein d'un muséum d'histoire naturelle : objets, représentations et discours » (Magali Dufau) et « Partager les collections d'Amazonie brésilienne - Perspectives numériques au Muséum de Toulouse » (Anouk Delaître).

Les chercheurs de Dicen-IDF ont aussi expérimenté ce type de démarche dans le cadre des projets ANR COLLABORA et FabPart-Lab (Labex « Passés dans le Présent »). Pour anticiper le risque d’une juxtaposition de tâches et un fonctionnement individualisé, chaque workpackage (WP , cf. infra) est composé des différents types d’acteurs mobilisés et contribue, à son niveau et dans sa thématique, à rendre la collaboration effective.

La démarche collaborative étendue consiste à se prémunir du risque latent de pressions extérieures (politiques ou institutionnelles) qui visent à freiner, à limiter, ou à encourager certaines options dans la mise en ligne de ces patrimoines sensibles. La gestion de ce risque fera l’objet, en amont, d’un protocole concerté, en dialogue avec le politique.

 

Inclusive. Au-delà des partenaires impliqués dans le consortium, MIL-PAT entend engager une démarche inclusive qui permet la participation de tous les acteurs, et notamment les membres des communautés d’origine, à la co-construction des protocoles de recherche et d’application dans le domaine de la numérisation des collections. Il s’agira de prendre en compte les différentes catégories de savoirs en jeu (Particip-Arc 2019, Sciences citoyennes 2020) mais aussi d’appréhender dès le départ les besoins documentaires exprimés, les contours juridiques des relations, des propriétés et des accès à contractualiser pour une mise en ligne pertinente et pérenne des fonds. L’inclusivité ne saurait être seulement épistémique par la reconnaissance des savoirs pluriels. Elle se doit garantir une symétrie des pouvoirs et des autorités  entre les co-détenteurs d’un bien culturel (Boast 2011). Elle se joue dans les contours négociés qu’on décide de lui donner (associer des récits, des archives, des photographies ; faire résonner le passé dans le présent ; multiplier les interprétations) ainsi que dans les enjeux de l’éditorialisation et de la diffusion numériques. Il ne peut, en ces domaines (structurer, rendre accessible et mettre en valeur un patrimoine), s’agir de décisions unilatérales (Severo 2021).

L’importance des enquêtes de terrain pour chacune des trois situations envisagées se comprend à l’aune de l’inclusivité (tout ne se fait pas depuis la France, depuis le Muséum par des Français métropolitains). L’identification des acteurs-clés au sein des communautés d’origine ne peut se faire en distanciel. Outre les problèmes de ressources techniques qui se posent sur les terrains concernés, l’usage des nouvelles technologies contribuent à opérer une sélection a priori d’interlocuteurs compétents ou disponibles techniquement et à se priver de ceux qui le sont moins, renforçant une forme d’inégalité. Les enquêtes de terrain (détaillées ci-après) auront pour buts, outre ceux documentaires, de symétriser les savoirs et les pouvoirs mais aussi de rendre les représentants de communautés protagonistes de la réflexion autour des choix techniques. Les trois années de projet permettront de construire des relations suivies. Les retours sur les terrains garantiront la possibilité de développer et tester conjointement les dispositifs numériques, de revenir sur des accords ou encore d’ajuster des formules. La dimension audiovisuelle (recrutement d’un assistant-ingénieur spécialisé) prend tout son sens ici. Il s’agira de construire et de disposer d’outils pour valoriser les résultats de MIL-PAT auprès du grand public et présenter les avancées effectuées à un ensemble d’acteurs comme supports de discussions, de stabilisation des protocoles en faveur d’une

réappropriation culturelle dynamique.

 

Interdisciplinaire. MIL-PAT réunit des professionnels des musées, des anthropologues, des spécialistes de muséologie, des juristes, des chercheurs en humanités numériques et en sciences de l’information et de la communication. Les questions soulevées par les mises en lignes de patrimoines sensibles sont non seulement prises en charge par des spécialistes avec leurs méthodologies et leurs outils propres mais aussi enrichies et reformulées grâce aux regards « non spécialistes » : que l’éditorialisation soit une affaire d’éditeurs et conservateurs n’en fait pas moins un objet pour l’anthropologue, le juriste, le sociologue du numérique ; que le droit soit une affaire de juristes n’en fait pas moins un objet pour l’anthropologue ou le muséologue. La structuration en workpackages du projet veille à cet équilibre entre affirmation de compétences disciplinaires et construction des dialogues entre les disciplines visant à reformuler les contours et enjeux du processus selon chaque perspective.

L’organisation des 5 workpackages, étroitement articulés et interdépendants, combine une logique opérationnelle. Elle vise la production structurée en étapes d’un résultat fondé sur une hypothèse de travail et une dynamique de co-construction. Elles permettent d’ajuster, de redéfinir en permanence, les enjeux des étapes en pratiquant une diversité de point de vue par la confrontation disciplinaire, la discussion avec des acteurs non académiques, les échanges avec les représentants des communautés. C’est une véritable « chaîne opératoire des savoirs » (de leur élaboration à leur diffusion) à mettre en œuvre. Comme tout assemblage socio-technique, elle sera faite de multiples actions et rétroactions mais aussi d’événements

suscités par la démarche collaborative, inclusive et interdisciplinaires. Les WP s’alimentent les uns les autres : l’identification plus précise de la provenance d’un bien et des récits liés corrigent le fonds de la collection, changent donc son éditorialisation, redéfinissent le périmètre de son accessibilité qui s’ouvre alors à de nouvelles personnes qui peuvent, à leur tour, alimenter la connaissance du bien culturel de nouveaux récits, de nouveaux usages, etc. La redéfinition du périmètre ou des enjeux de l’un a des répercussions sur l’ensemble de la chaîne et donc sur les autres WP .

 

WP1 : Comment travailler ? Outils de gestion, de collaboration et d’enquête

Tâche 1.1 : Élaborer les partenariats

Tâche 1.2 : Élaborer les outils et méthodologies d’enquête

 

WP2 : Revenir aux sources

Tâche 2.1 : Dans les archives

Tâche 2.2 : Sur les terrains

 

WP3 : Faire avec le droit : protéger et donner accès

Tâche 3.1 : Négocier la libération des droits

Tâche 3.2 : Gestion des données : protection et interopérabilité

 

WP4 : Donner à voir et analyser le donner à voir

Tâche 4.1 : Penser l’éditorialisation des fonds (formes et enjeux)

Tâche 4.2 : Restituer le processus de mises en ligne : retours d’expériences

 

WP5 : Communiquer, valoriser, encourager la réflexivité

Tâche 5.1 : Restituer aux acteurs pour approfondir les enquêtes

Tâche 5.2 : Diffuser les résultats de la recherche